Mercredi 30 juillet, Ségolène Royal a présenté en conseil des ministres son projet de loi de programmation de la « Transition énergétique pour la croissance verte ». En introduction de la présentation du texte, Ségolène Royal a déclaré : « c’est une loi de solutions et d’actions sur un sujet stratégique et majeur pour notre pays et chacun des citoyens. ». Selon la Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, ce projet de loi fait de la France l’un des pays les plus engagés en termes de transition énergétique et renforce la légitimité de la France en tant qu’hôte de la conférence onusienne sur le climat de 2015.
Six semaines après la présentation de l’avant-projet, Ségolène Royal affirme qu’un terrain d’entente a finalement été trouvé entre ambition climatique, réduction de la facture énergétique, maintien de la compétitivité des entreprises et réduction de la précarité énergétique des plus modestes. Toutefois, force est de constater que le projet de loi reste critiqué par de nombreux experts. Pour Géraud Guibert, président de la Fabrique Ecologique, « le texte présente plusieurs aspects positifs mais il est important qu’il soit débattu, complété et amélioré, en particulier sur la gouvernance et la précarité énergétique. ». Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l’environnement, considère que « le texte engage un processus positif de décentralisation énergétique mais encore trop timidement, dans un contexte de réforme territoriale. Il est encore trop marqué par une méthode d’élaboration en tuyau d’orgues et par une logique « du haut vers le bas ». ». Il est également reprocher au projet de loi son approche très électro-centrée ou encore l’absence de sujets majeurs tels que l’agriculture et l’aménagement urbain.
Les objectifs du projet de loi sur la Transition énergétique sont pour le moins ambitieux :
- réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2030 par rapport à 1990 et leur division par 4 d’ici 2050
- réduire la consommation énergétique finale de 50% en 2050 par rapport à 2012 et baisser la consommation énergétique de l’économie française d’au moins 2,5% par an d’ici 2030
- réduire la consommation d’énergies fossiles de 30% en 2030 par rapport à 2012
- porter la part du renouvelable à 32% dans la consommation énergétique en 2030
La loi de Transition énergétique devrait se déployer sur six axes majeurs : le bâtiment, les transports, les énergies renouvelables, le nucléaire, les déchets ainsi que les régions. En ce qui concerne le bâtiment, la loi prévoit de renforcer les économies d’énergie en rénovant 500 000 logements et en promouvant les bâtiments à énergie positive, ie des bâtiments qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment. Dès septembre, le crédit d’impôt durable permettra aux particuliers de se voir rembourser jusqu’à 30% du montant des travaux de rénovation. Les banques se sont d’ailleurs engagées à déployer 100 000 prêts à taux zéro. De plus, le projet de loi permettra aux collectivités locales d’avancer le coût des travaux aux particuliers via des sociétés de « tiers financement » et réformera le système des certificats d’économie d’énergie, tâche qui désormais incombera aux régions. Par ailleurs, par cette loi, Ségolène Royale espère réduire la facture énergétique, notamment celle des foyers les plus modestes, via les chèques énergie. Ces mesures devraient entraîner la multiplication des commandes et donc la création d’emplois (75 000 emplois).
Dans le chapitre du projet de loi dédié aux transports, l’heure est à l’électro-mobilité. Ainsi, l’Etat devra remplacer au moins un véhicule sur deux par un véhicule propre alors que les particuliers bénéficieront de bonus écologiques à l’achat et à la location longue durée jusqu’à 10 000 euros. De plus, 7 millions de bornes de recharge seront installées sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, le projet de loi entend réduire les émissions de particules et améliorer la qualité de l’air avec la création de zones à circulation automobile restreinte. Toutefois, il est regrettable de noter l’imprécision du texte en ce qui concerne les transports collectifs et l’écomobilité (covoiturage, autopartage, etc.). Afin de développer les énergies renouvelables, le projet mise sur la simplification des mesures. Désormais, il ne faudra qu’une seule autorisation administrative, ce qui permettrait de monter un projet en deux ans. Ségolène Royal a déclaré à cet égard : « nous avons sécurisé et stabilisé les mécanismes de soutien et de financement des énergies renouvelables pour que les entreprises puissent investir et innover. Et bien se positionner sur le marché mondial. ».
Finalement, la loi de Transition énergétique répondra aux promesses de campagne du Président Hollande sur le nucléaire puisque la loi fixe la part du nucléaire à 50% de la production d’électricité à horizon 2025. Par ailleurs, le Conseil D’Etat a validé le plafonnement de la production d’électricité d’origine nucléaire à 63,2 GW. Cependant, l’Etat devra négocier avec EDF pour toute fermeture d’un ou de plusieurs réacteurs. Concernant la gestion des déchets, la loi se base sur le principe de l’économie circulaire : les déchets sont appelés à devenir de nouvelles matières premières pour produire de l’énergie. Cela sera possible grâce au développement de projets de méthanisation (1 500 en milieu rural). Enfin, la loi prévoit le lancement d’appel à projets national dans le but de créer des villes « zéro gaspillage, zéro déchets ». L’enjeu majeur de la loi sur la Transition énergétique est la territorialisation de la transition énergétique. Les collectivités bénéficieront d’un prêt à long terme « transition énergétique et croissance verte » de la Caisse des dépôts et consignations ainsi que d’un fond spécial de 1,5 milliards d’euros dédié aux appels à projets pour 200 territoires à énergie positive. Enfin, le financement de ces mesures portées par la loi de programmation de la « Transition énergétique pour la croissance verte » semble poser problèmes. Les mesures seront financées par l’Etat à hauteur de 10 milliards d’euros sur 3 ans par des crédits d’impôts, chèques, prêts à taux zéro, etc. Le financement reste donc bien inférieur aux estimations de l’ADEME qui chiffraient les besoins entre 10 et 30 milliards par an. Le projet de loi sera présenté en septembre à une commission spéciale de 70 membres et sera examiné par l’Assemblée en octobre.