Transformer un quartier de Toronto en véritable terrain d’expérimentation pour la ville de demain : voici le projet ambitieux de Sidewalk Labs, filiale d’Alphabet (Google) spécialisée dans l’aménagement urbain innovant. L’entreprise a dévoilé mi-août de nouvelles images de ce « smart » quartier pas comme les autres.
C’est fait : le 31 juillet dernier le comité du quartier de Waterfront, à Toronto, a accepté à l’unanimité de travailler avec Sidewalk Labs pour réinventer une partie de la ville et nous donner un aperçu du futur des grandes métropoles. Le projet conjoint Sidewalk Toronto est officiellement lancé.
Basé à Quayside, ce quartier d’un nouveau genre n’aura pas pour but de faire usage de la technologie de manière exhaustive pour prouver son caractère innovant. Le vrai pilier de réflexion derrière ce projet – dont le Wall Street Journal estime le coup total à 1 milliard d’euros – est d’utiliser le digital et la planification urbaine afin de fournir des éléments de réponse aux divers challenges auxquels nous faisons face aujourd’hui. Des temps de trajets domicile-travail toujours plus longs, loyers grimpant en flèches et surpopulation entrainant un manque d’opportunités d’emplois… Ancien site industriel de 5 hectares situé à l’est de Toronto, Quayside est un cas de figure idéal de réhabilitation urbaine.
Ancien maire député de New York, Daniel L. Doctoroff, est le co-fondateur de Sidewalk Labs. Pour lui, nous sommes en train de vivre la quatrième grande révolution de la technologie urbaine. Chacune d’entre elles ont bouleversé la manière dont nous construisons nos villes. Le moteur à vapeur a amené le train et l’industrialisation en milieu urbain. L’électricité a fait de la ville un lieu vivant 24h/24 et devenant progressivement plus verticale. Enfin, l’avènement de l’automobile nous a forcé à repenser nos routes, nos infrastructures et, plus globalement, l’espace public pour séparer les différents moyens de locomotion.
Cette suprématie de l’automobile en milieu urbain est en train de basculer. Avec la multiplication des offres de mobilités à la demande et la digitalisation des usages, le monde du transport connait en effet une nouvelle mutation. D’où cette nécessité, et on pourrait dire cette opportunité, de repenser l’aménagement de nos villes et, par extension, la façon dont nous les habitons.
Une communauté innovante et impliquée
Les thématiques principales du projet Sidewalk Toronto sont les suivantes :
- le logement abordable et flexible selon les besoins
- des infrastructures durables
- un usage des nouvelles énergies au profit de la qualité de vie des citoyens
- une reconquête de l’espace public par les piétons
- la création d’une communauté soudée où l’inclusion est le maître-mot
- l’usage de données publiques pour faire de la construction de cette communauté un effort commun
- une offre de mobilité plus flexible et offrant plus de sécurité qu’une voiture individuelle, le tout à un coût réduit
Ce dernier point nous intéresse bien sûr plus particulièrement. Dans ce quartier de Quayside repensé, la mobilité se veut avant tout multimodale. Pour aller d’un point A à un point B, les habitants pourront ainsi compter sur une offre de mobilité combinant à la fois la marche à pied, le cyclisme, l’utilisation de bus ou de tramway.
Pour un bond dans le futur, ce quartier se verra également doté d’une flotte de véhicules autonomes complétant l’offre publique de transport. L’avantage de ces véhicules ? Pouvoir optimiser les déplacements sur les routes, et donc accentuer ce phénomène de réappropriation des espaces publics par les citoyens.
Projet d’un acteur privé soumis à l’opinion publique
Et justement, les citoyens de Toronto, qu’en pensent-ils de ce projet ? C’est ce qu’a voulu savoir Sidewalk Labs en organisant trois tables-rondes publiques depuis mars 2018. Dans un rapport établi suivant le premier évènement, plusieurs éléments ressortent clairement.
De manière globale, les citoyens se sont montrés enthousiastes face à l’usage de technologies durables permettant la réduction des émissions de gaz à effet de serre mais également par rapport à l’ambition d’améliorer la mobilité de chacun au quotidien dans une ville particulièrement sujette aux embouteillages.
Parmi les préoccupations citées, la mise en place de services performants pour la communauté était un point important, ainsi que la protection des données des citoyens engendrées par l’usage des technologies implémentées dans le nouveau quartier (capteurs, plateforme open data…). Compréhensible, surtout quand un géant tel que Google se cache derrière le projet…
Autre crainte des habitants ? Que le quartier devienne un « hub » exclusif, se transformant en mini Silicon Valley pour expérimenter des technologies innovantes, coupé du reste de la ville et des réalités économiques. Pour résumer, le risque de gentrification reste à l’esprit de chacun, tel un esprit entraînant avec lui hausse des loyers et inégalité des salaires. Loin de l’image d’un quartier au service de sa communauté.
Mais à travers la mise en place de ces diverses rencontres avec les Torontois, Sidewalk Labs démontre sa volonté de les impliquer pleinement dans la mise en place de ce quartier nouvelle génération pour assurer son succès. Le succès d’un quartier intelligent, entre expérimentation et utopie.